La team ABP était présente à deux événements majeurs du calendrier 2024 : les Assises pour la parité, l’égalité et la diversité dans le cinéma et l’audiovisuel, du Collectif 50/50, et les Assises de l’éco-production d’Ecoprod. Vous n’étiez pas présent.es ? Retrouvez l’essentiel de ces deux jours riches en échanges, marquant des avancées dans deux domaines cruciaux : l’inclusion et la durabilité dans l’industrie audiovisuelle.
Assises 50/50 : un nouveau chapitre s'écrit pour un cinéma plus juste et inclusif
Lors de récentes tables rondes du Collectif 50/50, les professionnel.les du cinéma se sont réuni.es pour discuter des enjeux cruciaux de notre époque : la protection des enfants acteur.ices, la lutte contre les discriminations et la promotion de la diversité. De nouvelles réglementations sont en cours d’élaboration pour garantir la sécurité des jeunes comédien.nes, tandis que l'industrie s'efforce de rendre ses productions plus inclusives et représentatives de la société.
Quelles sont les obligations à venir ?
La protection des enfants acteur.ices était au cœur des débats durant la table ronde sur “les engagements en faveur de la protection des mineur.es sur les tournages”. La présence obligatoire d'un.e "responsable enfants cinéma" sur le plateau est actuellement étudiée. Cependant, ce rôle reste encore mal défini, et les outils actuels pour évaluer les risques sont insuffisants. Une meilleure formation et des espaces de rencontre pour parents et professionnel.les figurent parmi les solutions envisagées, tandis que des associations comme l’ACMA et l’ADA travaillent à la clarification de ce cadre.
Autre actualité, concernant les VHMSS, à partir du 1er janvier 2025, toutes les sociétés de production souhaitant tourner dans la capitale devront signer une charte contre les violences sexistes et sexuelles, élaborée avec le Collectif 50/50 et la ville de Paris.
Comment favoriser la diversité et l'inclusion dans l'audiovisuel ?
Les intervenant.es de la table ronde “Au-delà de la diversité" ont dénoncé l’usage trop général du terme "diversité", qui masque le racisme, sexisme, genrisme, capacitisme et les discrimination LGBTQIA+. La pertinence du bonus diversité du CNC est remise en question. Le Fonds Images de la Diversité ne garantit pas que les œuvres soutenues soient réalisées par des créateur.ices issu.es des mêmes milieux. Les intervenant.es ont donc évoqué la nécessité de réviser ce dispositif ainsi que les pratiques de narration afin de briser les dynamiques de domination et d'exclusion ancrées dans le secteur.Cependant, l’interdiction des statistiques ethniques en France représente un frein pour analyser clairement ces enjeux.
Dans cette même logique de remise en question des normes du secteur, la table ronde 'La couleur des rôles' a mis en lumière une étude tout aussi préoccupante : les discriminations dans les castings. Les acteurs et actrices racisé.es sont souvent limité.es à des rôles caricaturaux, tandis que les personnes en situation de handicap sont largement absentes des écrans. Les intervenant.es ont souligné le besoin d’élargir ces représentations sur nos écrans. Il est urgent de repenser les pratiques de casting pour permettre à chacun.e d’accéder à des rôles complexes et variés
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Mais les inégalités ne se limitent pas au domaine de la fiction : le secteur du documentaire souffre lui aussi de disparités flagrantes, comme l’ont révélé les échanges lors de la table ronde 'Parité et inclusion dans le documentaire. Les intervenants ont souligné une statistique alarmante : seulement 25% des documentaires sont réalisés par des femmes. Pour remédier à cela, des chaînes comme ARTE et France Télévisions mettent en place des actions pour encourager la diversité derrière et devant la caméra. Il est grand temps de féminiser et de diversifier les documentaires, car les réalisatrices se voient trop souvent attribuer des sujets comme la sociologie, la psychologie, la santé et le bien être… Une des solutions présentées serait de s'aligner sur modèle canadien, avec des commissions de lecture paritaires La lutte contre le sexisme dans les productions reste un défi majeur.
Face à ces multiples défis, des initiatives voient néanmoins le jour pour favoriser une inclusion réelle. Fabienne Sylvestre (Co-fondatrice et Directrice du Lab) a présenté la nouvelle étude du Lab, avec des chiffres témoignant de progrès comme l’augmentation des initiatives inclusives et du soutien financier à ces dernières, mais les freins structurels et les stéréotypes persistent. Des démarches telles que l’intégration de la parité dans une recherche globale de mixité et l’accompagnement de la parentalité permettraient de progresser sur le sujet.
Comment traiter les films entachés d'accusations ?
La question de la programmation des films dits "abîmés" par des affaires de violences et d’agressions sexuelles a été au cœur des échanges de la table ronde dans la continuité de 2 précédentes rencontres entre les collectifs, l’AFCAE et les exploitant.es. La possibilité d’informer le public via des affichages ou des discussions en amont a été explorée, de même que l’idée d’inviter des équipes techniques ou des associations pour décentrer les regards. Enfin, une clause MeToo dans les contrats de préachat a été suggérée pour permettre aux distributeur.ices de rompre le contrat si cas de VHMSS (Violence et Harcèlement Moral, Sexiste et Sexuel).
Assises Ecoprod : L’éco-production,
un tournant nécessaire
Durant l’événement, professionnel.les du cinéma et de l’audiovisuel ont exploré des solutions pour concilier créativité et durabilité. De l’éco-production à la réinvention des récits, les discussions ont souligné l’urgence d’adopter des pratiques plus éthiques et responsables, soutenues par de nouvelles réglementations et des outils innovants. Jean-Marc Jancovici a appelé à valoriser la sobriété à travers des récits engageants, affirmant que l’industrie audiovisuelle pouvait devenir un moteur de changement tout en réduisant son impact environnemental.
Comment l'audiovisuel peut-il concilier créativité et durabilité ?
La table ronde “écrire et réaliser une production éco-responsable : allier créativité et durabilité” a mis en évidence l'interconnexion entre création artistique et enjeux environnementaux. Gildas Bonnel a rappelé le pouvoir des récits pour façonner les pratiques culturelles, tandis que Barbara Schulz a insisté sur l’évolution nécessaire des personnages : "Le monde change, les personnages aussi”. Pour elle, les contraintes de réalisation sont des leviers nécessaires à la créativité. La discussion a également mis en avant le rôle des producteur.ices dans la transition vers des productions plus durables.
Si les pratiques de création et de production éco-responsables offrent des pistes prometteuses, l’émergence de l’intelligence artificielle soulève de nouvelles problématiques : l'uniformisation des contenus, les biais algorithmiques et la perte progressive de savoir-faire. Pour Landia Egal, la solution réside dans l’éducation et l’action concrète :
privilégier des IA open source plus responsables
refuser que nos données soient utilisées sans consentement
intégrer les calculs d’impact liés à l’IA dans des outils comme ceux d’Ecoprod.
Une sensibilisation accrue à ces enjeux est indispensable pour utiliser ces technologies avec éthique et parcimonie.
Mais au-delà des outils technologiques, c’est un changement de paradigme, porté par des imaginaires valorisant la sobriété, qui pourrait redéfinir l’avenir de l’audiovisuel. Durant son entretien avec Maxime Thuillez, Jean-Marc Jancovici plaidait pour une rupture avec le consumérisme, mettant en avant la créativité artistique pour promouvoir des imaginaires valorisant la sobriété et des sentiments joyeux liés aux causes environnementales : « L’optimisme vient partiellement de l’action. »
Plutôt que de se concentrer uniquement sur des solutions techniques, il milite pour un changement de mentalités. Selon lui, l'industrie audiovisuelle peut s'appuyer sur la créativité artistique pour véhiculer des messages de changement tout en valorisant un nouveau statut social : celui de la sobriété. Loin d’être une contrainte, il voit dans cette évolution une opportunité de réinventer les formats, de repenser les processus de production et de diffusion, tout en contribuant activement à la réduction de l'empreinte écologique de la profession. En agissant avec discernement, l'audiovisuel peut devenir un acteur clé du changement tout en maintenant son rôle de vecteur de culture et d'innovation.
Quelles innovations pour un cinéma plus vert et plus respectueux de la biodiversité ?
Durant la table ronde “Tournage et Biodiversité : au coeur de l'éco-production”, Mathieu Thill a souligné l'importance d'une approche sensorielle globale dans la production, préconisant de réduire la pollution lumineuse pour protéger la biodiversité, de limiter les odeurs désagréables liées à la restauration, de maîtriser les nuisances sonores, en particulier les bruits d'explosions, et de s'assurer de ne laisser aucun déchet ni trace d'activité humaine sur les environnements naturels.
Alors que l'industrie audiovisuelle s'engage de plus en plus dans une démarche éco-responsable, les innovations se multiplient pour réduire l'empreinte carbone des tournages. Voici quelques retours d'expériences de la table ronde : “l'éco-production, une innovation permanente” :
Laurent Héritier a évoqué les avancées chez Transpalux, comme l’introduction de groupes électrogènes fonctionnant au biocarburant dès 2025 (HVO100), sans nécessité de modifier les équipements diesel actuels, et des unités mobiles d’énergie (UME) innovantes. Cependant, il souligne les défis logistiques liés au poids des batteries pour les tournages (jusqu’à 3 tonnes) et les normes ADR (Accord européen relatif au transport international de marchandises dangereuses par route).
Valérie Valero a présenté des solutions concrètes sur les décors, tels que le remplacement du papier bulle par du papier de soie et la méthode de la "peau de vache" pour les feuilles de décor. Ces alternatives sont essentielles, les feuilles représentant parfois jusqu'à 60% de l'impact de ce département.
Hanna Mouchez a mis en avant l’utilisation du temps-réel (avec Unity) pour réduire la consommation énergétique par rapport aux méthodes de pré-calcul dans l’animation.
L'IA, une intelligence au service du climat ?
Lors de la table ronde "IA et éco-production", Landia Egal a souligné le paradoxe de l'intelligence artificielle : conçue pour optimiser et innover, elle engendre cependant une consommation colossale des ressources. Plus d'un tiers de l'énergie produite par les centrales nucléaires (123,8 Gwe) est aujourd'hui destinée à alimenter les datacenters des IA. Cette consommation énergétique galopante a augmenté en 5 ans de 48% les émissions de CO2 de Google. L'eau est également mise à mal par le développement de l'intelligence artificielle. L'entraînement de ChatGPT-3 a nécessité près de 700 000 litres d'eau. La consommation en eau de géants comme Google et Microsoft a respectivement augmenté de 20% et 34%, accentuant ainsi la pression sur les ressources hydriques. Cette demande croissante contribue à la privatisation de sources d'eau et à l'aggravation des tensions liées à l'accès à cette ressource essentielle.
Quels leviers pour une transition écologique de l'audiovisuel ?
Lors de la table ronde “Créer les conditions de l'éco-production : des éco-systèmes financiers, humains, institutionnels à déployer”.
Thierry Hugot (Eurimages – Conseil de l’Europe) a présenté un programme de formation en e-learning sur l’éco-production et évoqué l’Observatoire des médias, un outil destiné à collecter des données pour un meilleur pilotage des politiques RSE. Anne-Claire Telle (Mediawan) a insisté sur la généralisation de l’éco-score, en France et à l’international, tandis que Leslie Thomas (CNC) a abordé les réformes à venir pour intégrer un contrôle renforcé des bilans carbone dans le secteur.
Du côté des diffuseurs, Marine Schenfele (CANAL+ Europe) et Livia Saurin (France Télévisions) ont plaidé pour une transversalité accrue des rapports RSE, combinant expertise de terrain, stratégie et gestion institutionnelle. Enfin, les nouveaux outils et méthodologies annoncés pour 2025, notamment ceux soutenus par le CNC, promettent d’accompagner les producteurs dans cette transformation complexe mais nécessaire.
Après avoir dressé un tableau lucide des enjeux environnementaux et des leviers d’action pour limiter le réchauffement climatique à 2°C d’ici 2050, Jean-Marc Jancovici a rappelé qu’il faudrait réduire nos émissions de 5 % chaque année (soit l’équivalent des activités d’une année Covid) dès maintenant pour espérer ne pas dépasser les +2°C d’ici 2050, un objectif exigeant mais essentiel pour permettre au secteur de perdurer.
Il propose donc une mesure radicale : imposer des quotas d'émissions CO2e aux diffuseurs, sous peine de retrait de leurs droits de diffusion. Cette proposition, aussi ambitieuse que controversée, témoigne de l'urgence d'agir et de la nécessité de repenser en profondeur nos modèles économiques.
Retrouvez le Replay des Assises d’Ecoprod en cliquant ici.
Retrouvez le Replay des Assises du Collectif 50/50 en cliquant ici.